Quoi qu’il arrive. Quels que soient les choix que l’on aura fait, les personnes qu’on aura voulu avec nous, les efforts que l’on peut faire, nous sommes seuls.
Et parfois, la vie me semble insupportable de solitude.

Il aime la musique classique et surtout Mozart. Et il me l’a fait aimer.
Il aime bricoler et comprendre comment marchent les choses. Et je suis comme lui.
Il aime les maths, la chimie et les sciences.
Il a souvent piqué des colères titanesques, mais a toujours su se faire pardonner.
Il siffle à table après un bon diner.
Il aime l’histoire des byzantins et des juifs.
Il a le même peigne depuis que je suis enfant.
Il fume le cigarillo, sans avaler, les jours de fêtes.
Il s’endort souvent devant les films.
Il semblait avoir peur de rien quand j’étais enfant.
Il fait les meilleurs spaghettis au monde.
Il a les dents du bonheur et les yeux qui plissent lorsqu’il sourit.
Il a un prénom improbable, mais moi je l’appelle papa.
Il était immortel à mes yeux.
Il a un cancer.
Et toute adulte professionnelle de santé que je suis, toute mère que je vais être, je reste une petite fille terrorisée à l’idée de perdre son papa.
Il faut grandir, il parait.
Faut-il vraiment que ça soit comme ça?

Au début je n’osais pas en parler.
Au début, je baignais dans la peur superstitieuse que si j’en parlais, j’allais encore revivre cette immense perte.
Tant que je traitais « ça » par le mépris, comme si c’était une situation des plus anodines et que ça m’importait peu, tout allait bien se passer.
Et puis je l’ai entendu.
Un petit cœur, qui bat. Pour de vrai. Normalement, franchement.
Autours de ce petit cœur, un petit corps. Jambes, pieds, mains, grosse tête!
Il ne semble rien manquer.
« Votre bébé se porte comme un charme »
Et là, l’explosion.
Si moi je n’osais pas y croire de peur de le voir partir, si mon mari n’en parle que prudemment, ce monsieur grisonnant qu’on appelle Docteur vient de donner vie à une réalité: MON bébé.
Là. En bonne santé.
Le gynécologue poursuit son examen, « Votre bébé », « Votre enfant »… A chacune de ces phrases je souris, bêtement, j’en savoure chaque syllabe.
Je repars avec des clichés, un DVD, un dossier, une date d’accouchement, des adresses de maternités.
Je rentre surtout chez moi avec cette succulente réalité, que j’ai envie de hurler, de graver en moi, de chanter: Je suis enceinte, et je vais devenir maman!
Ma virgule est là.
C’est le docteur qui l’a dit!

Moi, je n’écris pas souvent.
Pour plusieurs raisons.
La plus grande est sans doute que souvent j’écris, je lis, je relis, j’aime pas, je trouve cela creux, j’efface, je me demande pourquoi je m’obstine à vouloir écrire sur un blog.
Surtout que je ne communique jamais l’adresse, que je ne m’attends pas à être lue, que je ne souhaite pas particulièrement être lue.
Aussi parce que je ne suis pas très bonne en orthographe. c’est comme ça.
Je suis bonne en vocabulaire, je suis bonne en calcul, en tests psychotechniques, je sais dire je t’aime dans 10 langues, je pose une perfusion en moins de 45 secondes, mais l’orthographe, ça veut pas bien rentrer.
J’hésite, je doute, je bloque. Et souvent je m’en fous.
Dernièrement des révolutions se passent sur des blogs. Ceux de médecins, d’infirmiers, de kiné, de politiques…Ils trouvent les mots justes, les écrivent correctement. On les cites, on en parle, on Tweet, on Retweet.
Moi je suis parfois lue par ma soeur, toujours par mon mari.
Moi ma révolution, c’est d’avoir un lecteur fidèle.
Lui.

Je me suis mise à Twitter.
Au début je ne comprenais pas l’intérêt de ce truc. Micro blogging. Se faire suivre, suivre en retour.
Du Sri lankais pour moi.
Finalement ma sœur s’y met. « Viens! » qu’elle me dit.
Je viens donc, je tâtonne, je bute, j’aime, j’aime pas, je suis. Et finalement j’aime beaucoup.
Pas parce que c’est cool, pas parce que c’est « fashion », ni parce que c’est « the place to be » (que de clichés!).
Non je suis contente d’y être car j’ai découvert des gens.
Des gens dans la vérité de leur vie. Pas de photos avantageuses comme sur FaceBook, pas de grandes phrases alambiquées, juste des idées, courtes, claires.
Parfois je zappe, parfois je lis en biais. Et parfois j’adore.
Les gens sont touchants, parfois émouvants, souvent drôles. Ils écrivent avec pertinence, ils posent des mots et osent se dévoiler. L’anonymat aide sans doute, mais sommes nous toujours des anonymes les uns pour les autres quand on s’inquiète de ne pas voir Vanille45 se connecter depuis un moment? quand on suit de près la grossesse d’un Nuage ou le destin d’une Opale?
Je me suis mise à Twitter, parce que les gens existent. Et qu’ils sont parfois moches.
Mais Souvent beaux.

A toi que j’attends et j’espère et qui a défaut de venir joue les invités mystères, qui montre juste le bout de son nez pour t’en aller, non sans peine et dans un bruit que seul moi semble entendre et comprendre.
Dans un mois j’aurai du te rencontrer.
Dans un mois j’aurai du te tenir dans mes bras, sentir cette odeur qui vient de mes entrailles et qui deja ne m’appartient plus.
Je vis depuis le jour ou j’ai pensé que tu viendrais dans un fantasme, imaginant chaque trait de ton visage, chaque relief de ton petit corps et chaque moment que j’aurai partagé avec toi.
Savoir que tu n’es plus là et que tu ne le seras jamais plus n’a rien changé à ce fantasme dans lequel je me sens à présent enfermé, et qui s’il me comblait d’une joie secrète quand tu étais, me rappelle juste à présent le vide qui m’habite.
Dans un mois tu aurais du être là. Et bêtement, j’y pense.
Dans un mois tu ne seras pas là. Ni dans deux. Je ne te connaîtrai jamais, je ne saurai jamais qui tu es, ou qui tu aurais pu être. Je sais juste que ce n’est pas toi qui feras de moi une mère.
J’aurai voulu te connaître, petit cailloux.

Aujourd’hui à commencé le tournoi de Roland Garros. Ça me rappelle beaucoup de chose.
Ça me rappelle Alger. Le début de cette chaleur qui allait nous suivre parfois jusqu’à fin octobre, les examens de fin d’année, l’attente fébrile de la fin du cours pour enfin sortir et aller se poster devant la télé pour voir Sampras donner une leçon de tennis, ou Agassi faisant son show.
Je suis d’humeur nostalgique, sans raison.
Ça a du bon des fois la nostalgie, ça aide à se souvenir d’où on vient, ce qu’on est, quels étaient nos rêves…
En fait je sais pourquoi je suis nostalgique. Je suis dans un tournant de ma vie (oui oui).
Si tout se passe comme ma petite tête l’a prévu, je vais être bientôt diplômée. Ça veut dire travail, ça veut dire responsabilités, ça veut dire cadre de santé chiante et râlante et collègues hypocrites et feigniasses…
Préjugés? allez donc passer quelque jours dans un poste de soins en hôpital…ça vous donne envie de prendre la chiante râleuse pour cogner sur l’hypocrite feignasse.
Et paradoxe, je suis contente d’entrée dans ce monde, car cela veut dire que je gagnerai ma vie, que je serai arrivée à un but, à mon but, et je pourrai, enfin, être fière de moi.
Et aussi rendre fière les gens que j’aime. Je me suis rendue compte qu’il n’y’ a que deux personnes dont l’opinion sur ma “carrière” à une réelle importance pour moi: mon chéri et ma sœur.
Il n’y’ a que leur jugement (sur plein de sujets d’ailleurs) qui puisse me toucher ou me faire intensément plaisir.
Méfiez vous des gens qui DOIVENT être fières de vous. Ils sont souvent aussi creux que leur intérêt pour vous.
Se regarder dans un miroir et se dire: je suis fière de ce que tu es, voila la seule chose que je suis arrivée a faire, et à bien faire.

Voilà l’été qui commence a pointer le bout de son vilain nez.
Moi l’été avant, en Algérie, j’aimais bien. Il faisait chaud, on allait à la plage, on passait la nuit au Chenoua, on faisait des barbecues, et les jours etaient interminables.

Mais depuis que je suis à Paris, l’été me semble trop long, trop chaud, trop dépouvu de mers, de barbecue et de climatisation.
Parlons en tiens de la clim. Mon chéri, qui comme certains le savent, aime autant la chaleur que le ragout de cafard, a décidé de tromper l’été en achetant une climatisation portative (elle n’a de portative que le nom d’ailleurs tant c’est encombrant).

On patiente donc au magasin (climatisé lui) pour acheter notre salut estival. On met le paquet dans la voiture et on monte la bête jusqu’a notre petit chez nous. On ouvre, les yeux avides comme des enfants attendant le dernier GI JO et on déballe la chose.
Et la…c’est le drame.
Un embout, un stupide embout a trouvé le moyen, dans sa boite en carton, dans son hangar, ce truc à la noix a trouvé le moyen de se casser, empêchant donc la machine d’etre montée et opérationnelle.
Bon, je vous fait pas de dessin, l’ambiance est plus que…transpirante.
On téléphone le SAV (faudrait vraiment changer les musiques d’attentes…) et la après 4 interlocuteurs, une dame nous explique que pour ce malheureux bout de plastique, il nous faudra rendre tout le monstre…

Le reste n’est que nerfs, remballage de colis, scotchage exagèré et chaleur. On ira rendre demain la chose, pour se faire rembourser.
La prochaine fois qu’un patient me demande UN doliprane pour son mal de crane, je l’oblige a bouffer la boite… SAV